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TAPALAPA

19 avril 2010

#dimanche 22 novembre#

Dernier jour en Afrique. Ce matin, très tôt, le mezzin nous déchire les tympans. Mais à part ça, la ville est plutôt silencieuse et nous entendons tout de même le chant du coq. Nous déjeunons au lit de nectar de mangue et de biskrems achetés la veille et le sommeil nous rattrape. Il est certainement encore très tôt mais règne dans la chambre baignée de l'orange des murs un air de grasse matinée dominicale. Les portes-fenêtres à persiennes sont encores closes, elles diffusent une lumière qui porte à croire que le ciel est dégagé sur Dakar. L'air est doux, la circulation reprend alors que j'écris ces lignes. Pour la dernière fois, nous plions moustiquaire et bagages.

Sur la route de la clinique du cap, j'achète un diampé pour ma soeur.
Monique a bonne mine et n'a pas l'air de souffrir. Elle est en salle de réveil depuis son arrivée, n'ayant pas voulu qu'on lui attribue une chambre. Karine a perdu ses lunettes de soleil dans la clinique, ses tongs lui ont fait des ampoules, nous portons un gros sac de linge sale, il fait chaud. De retour à l'hôtel, nous décidons d'errer dans la ville à la recherche, vaine, d'un bar avec terrasse ombragée. Nous finissons par dénicher un banc au bout d'une ruelle qui donne sur la corniche et les grands hotels de la côte. Nous grignotons bananes et coca pendant qu'une jeune femme devant nous lave des récipients en plastique près d'une bouche d'égout. Elle utilise cette lessive que j'ai senti partout et dont j'ai acheté une dose la veille dans une épicerie pour m'en souvenir en France.

De retour à l'hôtel, nous retrouvons Emmanuel, un jeune étudiant qui a rendu visite à Monique ce matin et lui a fait quelques courses. Nous l'invitons à se désaltérer au café de Rome, rendez-vous des expats avec clim, cartes de plats français et chaînes d'infos en boucle sur les écrans fixés au plafond.
Je viens de négocier une bague en argent comme j'en vois sur de nombreux sénégalais, hommes ou femmes, depuis le début de notre séjour. Un anneau plat surmonté d'un cabochon arrondi ouvragé et creux mais qui peut contenir un grigri, des versets du coran. Fatou avait au doigt une bague contenant un grigri, m'avait-elle dit avec un air mystérieux...
Nous essayons de trouver des nattes au marché de Sandaga, accompagnées cette fois par Emmanuel pour plus de sûreté. A la veille de la tabaski, la population est nerveuse, le besoin d'argent est palpable pour acheter le mouton qui sera sacrifié. Les petites nattes que  l'on nous présente ne sont pas assez travaillées, elles nous déplaisent, tout comme celles que nous avons trouvé en brousse. Je commence à croire que celles qui sont proposées en France et sur le net sont fabriquées exprès pour l'exportation et que si l'on ne connait pas les bonnes filières, on a aucune chance de tomber dessus au gré des marchés.

De retour à l'hôtel, épuisées, nous nous endormons sur les petits canapés du salon. A notre réveil il n'est que 17 h 30 et je meurs de faim. Direction la boulangerie et l'épicerie. Sandwiches à la vache qui rit et biskrems seront notre goûter. L'après-midi n'en finit plus. Dakar est toujours désert. Arlette et Régine rentrent de leur promenade dominicale et nous nous préparons enfin à rejoindre l'aéroport. Coup de fil de la femme de Djebel : il y sera avec les valises dont il avait la garde depuis notre séparation. Quel soulagement pour les filles qui lui avaient laissé tous leurs souvenirs.

Nous arrêtons un taxi, un jeune homme avec beaucoup de bagou et qui conduit comme un fou. Mais comment faire autrement sur les bretelles qui encerclent la ville ! Nous dépassons un bus dont le pot d'échappement crache des flammes et disperse des étincelles sur les voitures qui l'entourent. Des vélos circulent au milieu des 4 roues, il fait nuit, et je mesure avec effroi le danger qui les frôle...

L'embarquement des bagages se passe sans souci. Djebel apparait avec sa femme, très élégante, et ses plus jeunes fils. Ils sont endimanchés, viennent de rendre visite à la famille. Retrouvailles chaleureuses. Djebel veut nous obliger à quitter l'aéroport pour récupérer les valises. Je refuse de dépasser le portail. J'ai l'impression de revivre notre arrivée. Il envoie ses garçons qui bientôt reviennent avec les bagages tant convoités ! Nous nous séparons enfin.

J'ai réussi à poster les 4 cartes postales que  je trimballe depuis notre premier passage à Tambacounda et je change le reste de devises auprès du très beau jeune homme qui avait procédé au change dans le sens inverse 15 jours auparavant. Je lui apprends l'état dans lequel se trouve Monique puisqu'il la connait.

Pendant que je relis mes notes, deux ambulances se sont garées sur le tarmac, Monique est dans l'une d'entre elles.
Elle sera installée à l'arrière de l'avion, près des portes, entourée d'un rideau. Je lui rends visite pendant le vol, elle a froid et je rajuste polaires et couvertures autour d'elle.

Difficile de résumer cette aventure sénégalaise. Régine est restée choquée par ce voyage et n'a pas repris à ce jour contact avec Monique. Celle-ci a été opérée avec succès, et envisage un nouveau périple en pays bassari pour le mois de novembre 2010. A l'heure où je termine d'écrire en ligne ce journal de bord, elle est quelque part à Salamanque, toujours prête pour visiter un coin de la planète. Nous n'avons pas revu Arlette mais Monique la voit régulièrement.
Ce voyage ne fut évident pour personne, à commencer par notre guide qui a connu les affres de la douleur physique et du rapatriement d'urgence. Mais c'est pourtant elle qui repart bientôt. Karine et moi ne repartirons pas en Afrique, d'abord parce que nous avons d'autres contrées à découvrir et puis parce que la misère que nous avons rencontrée là bas a fini de forger notre conviction que nous n'avons rien à y faire. Nous n'avons pas la fibre humanitaire et le tourisme est pour nous, impensable dans ce pays de misère. Les conditions de vie sont déplorables dans les villes et dans la brousse, elles se déteriorent même, de l'avis de ceux qui connaissent le pays depuis longtemps. L'Afrique fait peine à voir et ce constat est déchirant.

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19 avril 2010

#samedi 21 novembre#

Ce matin, nous quittons à regret l'espace Thialy, Chantal et son univers si sympathique. Nous souhaitons bon voyage aux 2 routardes Cécile et Alex qui prennent l'avion ce soir après 3 semaines de Sénégal.
Dans le bureau de Chantal, le portrait d'un Balingo plus jeune nous sourit de toutes ses dents. C'est un ami de 20 ans pour Chantal et son mari. Elle nous apprend qu'elle l'a aidé à monter son campement, offert les latrines. Elle y a d'ailleurs sa case, qui porte son nom, et y passe tous ses noels. Son mari est responsable de l'internat de Salemata qui permet aux jeunes d'Etiolo de continuer leurs études dans la vallée. C'est grace au couple que Balingo a pu faire un séjour en France de plusieurs semaines. Tout le monde s'était cotisé pour lui payer son billet et il a vendu des colliers qui lui ont permis ensuite de se déplacer au gré des invitations qu'il a reçu. Chantal raconte qu'une ethnologue était tombée amoureuse de lui mais qu'il a préféré retourner auprès de son peuple, de ses 2 épouses et de ses enfants au lieu de rester en France avec elle.

Nous prenons un taxi pour l'hotel St Louis Sun. Le chauffeur entasse nos sacs dans le coffre et nous voyons patte d'oie et le quartier Builders s'éloigner pour la dernière fois. A. et R. partent pour la clinique du cap et nous cherchons un téléphone. C'est aujourd'hui l'anniversaire de Lucien. Il a 12 ans et j'ai promis de l'appeler ce jour là. Non sans mal, nous finissons par le joindre grace au portable du vigile de l'agence bancaire où nous faisons de la monnaie. Nous achetons une carte téléphonique et créditons son compte pour pouvoir appeler en France. Quelle joie d'entendre sa voix !
Toutes les postes sont fermées, je n'ai pas trouvé de timbres pour les cartes postales que j'ai écrites pendant mon séjour, elles risquent fort de prendre l'avion avec moi...

Direction N'Gor. Pour 2500 FCFA, un taxi nous dépose à l'embarcadère. 5 minutes de pirogue et nous voilà sur un joli petit caillou. Maisons de célébrités, dédale de ruelles ombragées, hibiscus et bougainvillées. Il y a tout de même un envers au décor. Passé la vitrine touristique qui fait face à la baie, la partie non protégée par les vents est désertée, sale, pelée. Mais nous irons quand même jusqu'au spot des surfeurs. Les vagues ne sont pas au rendez-vous mais en bonnes habituées du front de mer canaulais, le détour était obligatoire !

Retour sur la plage où nous louons des matelas. La mer est claire, calme, douce. Baignade, lecture, farniente. Nous observons les plongeurs qui ramènent les poissons frais destinés aux restaurants qui longent l'île.

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A côté de nous, un couple mixte profite de cette belle journée et du calme relatif de l'île qui n'est pas envahie par les plagistes. Il est noir, elle est blanche avec un ravissant accent anglais. Elle se laisse tenter par des bracelets qu'elle achète à une femme chargée de bijoux en perles, coquillage, bois sculpté. Elle se débarrasse de ses derniers FCFA. Effectivemment, nous la retrouverons le lendemain soir avec ses deux enfants sur le même vol que nous.

Vers 15 h, nous irons déguster crevettes et poulet yassa arrosés d'une flag en terrasse. Nous venons de passer une vraie journée de vacances au Sénégal, la veille de notre départ...

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Nous attrapons au vol la pirogue et retour par la corniche. Cette parenthèse enchantée est un réel délice. Bien sur que nous n'avions pas envisagé notre séjour comme nous venons de savourer cette journée mais cette "pause vacances" est une bénédiction après tout ce que nous avons traversé avec Monique.

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L'hôtel est fort agréable, les chambres ouvrent sur le patio. Nous ne nous y attardons pas encore, éliminant le sel et le sable collés à notre peau pour mieux repartir en ville. Nous faisons quelques achats dans les épiceries arabes. Des produits de consommation courante que nous avons utilisé quotidiennement ici, chocolat en poudre, allumettes, biskrem... Nous sommes importunées plusieurs fois par des hommes dans la rue et les produits vendus dans les boutiques qui débordent sur les trottoirs sont hors de prix. Je comprends maintenant pourquoi Djebel nous disait, en revenant au véhicule chargé d'ustensiles qu'il achetait sur les marchés en brousse, qu'ils étaient moins cher qu'à Dakar. Nous avons également une pensée sympathique pour notre guide improvisé d'hier, Max, qui nous avait bien spécifié d'éviter le marché de Sandaga.

Nous entrons à l'Institut français. Havre de paix dakarois. Beaucoup de blancs, expats pour la plupart, sirotent un verre sur des chaises en fer forgé. Le bar-restaurant est décoré avec goût, un mélange Afrique/Occident très tendance. Nous avons l'impression de nous retrouver dans un bar branché de Bordeaux ou Paris en été.

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Sur les tables, le programme cinématographique du soir attire notre attention : un documentaire sur  l'évolution du continent africain réalisé par Samba Félix N'diaye, mort d'une crise de neuro-palu le 6 novembre, jour de notre arrivée sur le sol africain.

Nous revenons assister à la projection accompagnées cette fois par Arlette et Régine. Mais cette dernière ne se sent pas bien, le repas qu'elle a pris au restaurant de l'hôtel lui est resté sur l'estomac. Elles ont passé un moment difficile au marché de Sandaga, toutes les deux, et ont bien failli se faire dépouiller par une bande organisée. Une femme noire leur a sauvé la mise. Mais Régine a eu peur et son dîner reste coincé. Arlette la raccompagne à l'hôtel et nous restons seules à suivre la projection qui appuie, à travers les interviews qui sont proposés, notre vision du malaise, des embûches semées sous les pas de ceux qui veulent faire avancer l'Afrique, et reprend notre conviction profonde : laissons le continent à son peuple, cessons de penser et d'agir pour lui. L'éducation apportera les ressources humaines capables de renverser les gouvernements qui ligotent la population.

25 janvier 2010

# vendredi 20 novembre 2009 #

Alors que nous pensions devoir changer d'hotel, nous pourrons finalement partager la chambre des 2 routardes la nuit suivante. Ce dernier souci réglé, départ en taxi pour le centre après avoir pris un petit déjeuner au milieu de la valse des départs et des arrivées des clients de l'auberge. Tous ces toubabs d'un coup nous fait drôle, subitement !
Nous montons dans un taxi délabré, conduit par un homme plus très jeune. Après avoir négocié le prix de la course, il démarre son engin. Dès la sortie de patte d'oie, un gros embouteillage stoppe le véhicule. Le chauffeur choisit de contourner la corniche et s'improvise guide touristique pour notre plus grand bonheur.

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Nous évoquons la polémique concernant l'énormissime statue construite sur une des mamelles. Il n'épilogue pas, sujet un tantinet dérangeant. La statue est imposante mais est-ce bien raisonnable quand on a fait un détour par la banlieue inondée et la misère ambiante d'édifier un truc aussi énorme et aussi cher ?

Nous nous faisons déposer à 2 pas de l'hotel où nous souhaitons dormir la dernière nuit puisque l'espace Thialy sera complet. Nous réservons deux chambres au Saint Louis Sun. Non loin de l'hôtel, un homme nous interpelle. La conversation s'engage autour de notre provenance, entrée en matière on ne peut plus classique. Il a soit disant vécu à Bordeaux et se propose gratuitement de nous servir de guide pour que nous ayons, dixit, un souvenir agréable de sa ville.

Notre passage à Dakar ne s'étant pas organisé comme prévu suite à la chute de monique, nous avons récupéré un routard à l'espace thialy. Exemplaire assez ancien mais bien utile. Cependant, nous sommes à la recherche des sculptures d'Ousman Sow et c'est la première chose que nous demandons à notre guide. Mais peine perdue, il ne semble pas connaître. Baladées d'espace culturel en galerie d'art, les oeuvres de l'artiste sont introuvables. Nul n'est prophète en son pays mais tout de même... Il semblerait que son atelier soit en banlieue mais je ne peux imaginer qu'aucune sculpture n'orne la capitale et j'avoue avoir oublié tout document concernant leur emplacement en France.

Max nous fait visiter, à notre demande, le marché malien situé derrière la gare coloniale. Monique nous avait fortement conseillé d'y aller. Allées poussièreuses, étals écrasés par la chaleur, artisanat et nourriture. Rien de très original cependant et puis tout est plus cher que dans la brousse.

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Détour par la grande mosquée. Sur la place, les arbres ont été élagués à l'africaine. Branches arrachées, les troncs dardent des moignons vers le ciel.

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Nous ne pourrons pas visiter, c'est vendredi aujourd'hui, jour de grande prière. La ville est en ébullition. Nous sommes à une semaine de la tabaski et dans l'air circule une tension palpable.

Chez des sculpteurs sur bois, dédale d'ateliers sombres maculés de copeaux, Arlette achete des statuettes pour ses petites filles.
Depuis que Max est avec nous, nous arpentons la ville au pas de course. Le ciel est légèrement couvert, il fait chaud, nous avalons des litres d'eau. Nous l'invitons à déjeuner avec nous au "point d'interrogation" que nous avons repéré sur le routard. Plus tôt dans la matinée, il nous a offert une noix de coco fraîche. A peine sommes nous installés dans le restaurant que Max s'éclipse pour aller prier un peu plus bas dans la rue. Soudain, les rideaux de fer sont tirés, les hommes sont alignés et prient à même la rue. Toute la ville s'arrête. Une capitale qui vit au rythme des génuflexions et des prières à Allah.

A la fin du repas, Arlette et Régine décident de rentrer à l'auberge. Max les suit pour leur indiquer un taxi et leur donner les coordonnées de sa soeur à Bordeaux. Nous nous disons au revoir très vite, Max a soudain l'air pressé.

Karine et moi chercherons un long moment un musée d'art contemporain inexistant en fait sur Dakar. Au gré des rues, nous visitons une galerie d'art africain dans laquelle nous admirons petits bancs, bijoux, statuettes. Nous récupérons la route de la corniche et, attirées par l'océan, nous longeons les hôtels de luxe. Nous voilà au port autonome. Détour par le marché du carmel mais nous sommes assaillies par les vendeurs. Tout à l'heure sur la corniche, nous avons remarqué une fois de plus d'innombrables papillons qui butinent les fleurs. De tout petits papillons blanc qui de loin ressemblent à une nuée de cendres. Ils recouvrent les massifs qui semblent fleuris de milliers de clignotants.

De retour à l'espace thialy nous devons encore régler le problème des valises qui sont restées chez Djebel. Après plusieurs échanges téléphoniques avec Monique, nous n'arriverons pas à avancer. Par contre, nous savons ce soir qu'elle sera rapatriée dimanche sur le même vol que nous.

J'ai acheté un collier de prière musulman. Pas celui que j'ai vu sur Karim mais un plus fin qui reste tout de même très original hors contexte.  Je l'ai choisi noir.

Ni les filles ni nous n'avons récupéré les coordonnées de Max, il a disparu dans la ville à la sortie du restaurant...

21 décembre 2009

# jeudi 19 novembre #

Réveillées avant le jour par un coup de fil du coordinateur du rapatriement de Monique, nous attendons maintenant que la marée soit suffisamment haute pour partir car à l'aube, le niveau de l'eau est encore bien bas.
Le ciel aujourd'hui est dégagé. Nous avions accosté sous les nuages qui avaient persisté toute la journée d'hier. Comme si cette chape grise faisait partie de la mise en scène du drame que le destin nous réservait ici.
9 H 30, les brancardiers sont là et nous embarquons à la suite des bagages et de notre amie. Traversée facile au début mais à la sortie des passes, les vagues ont tapé la coque et Monique a dû souffrir. L'ambulance l'attendait à Djeffer, elle est prise en charge par SOS médecins jusu'à la clinique du Cap à Dakar.

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leçon de sérère pour K. avant le départ

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Notre chauffeur Maki, nous attend également. A la sortie de Djeffer nous découvrons, après la décharge à ciel ouvert, un paysage de marais salants.

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Parfois Maki quitte la piste accidentée et roule sur le tan. L'ambulance nous suit un moment, tangue d'un bord à l'autre de la chaussée pour éviter les plus gros nids de poule. Nous finissons par la perdre de vue en prenant la direction de Joal-Fadiouth, village de coquillage touristique à la population à 90% catholique mais où l'église est loin d'avoir le charme de celle de Foundiougne.

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Cette étape a été orchestrée par Monique depuis son lit de souffrance. Elle a joint un garçon qu'elle connaît là bas et qui va nous servir de guide. Mais nous ne souhaitons pas nous attarder dans ce piège à toubabs, aussi joli soit-il. Arlette cependant est enchantée par la visite du cimetière chrétien qui tombe à une date anniversaire importante pour elle. Pour la énième fois, nous visitons un lieu aux heures les plus chaudes et au pas de course...
Direction M'bour où nous retirons de l'argent. 2 vigiles armés encadrent la porte d'entrée qui mène au distributeur.
Nous cherchons ensuite, ultime mission, le centre des beaux-arts pour remettre des piles et appareils auditifs à un certain Cheick. Nous trouverons, au centre des handicapés, une personne qui nous guidera dans le dédale de la ville jusqu'au lieu recherché qui est malheureusement fermé.

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Nous déjeunons avec Maki dans un petit restaurant en bord de route.
Rien ne nous empêche plus maintenant de rallier Dakar, patte d'oie plus exactement et l'espace Thialy où nous avons réservé des chambres.
L'entrée dans la capitale se fait dans un embouteillage monstre. Difficile de respirer  les gaz d'échappement, d'échapper au bruit et à la chaleur.

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L'espace Thialy est un hâvre de paix. Douche de rêve ! Chantal, la patronne du lieu, nous dit en nous voyant nous exclamer "on voit bien que vous arrivez de la brousse !". Le lieu est convivial, une véritable fourmillière sur plusieurs niveaux avec différentes terrasses fleuries à des endroits stratégiques selon que l'on veuille être entouré ou isolé des autres pensionnaires, fontaine d'eau fraîche, cantine de luxe et un personnel trié sur le volet. En buvant une gazelle, nous discutons avec deux jeunes routardes sur le départ et un français qui vit entre kédougou et Ibel, chez léontine, campement que nous avons croisé sur notre route. Il est installé ici comme chauffeur. Nous échangeons nos impressions. Notre périple en pays Bassari et l'accident de Monique nous hisse au rang de routardes aguerries !
Ce soir, c'est repas à la française : salade+tomates vinaigrette, poulet+frites et yaourt.
Nous recevons des nouvelles de Monique, elle a refusé de se faire opérer ici et attend son rapatriement dans les meilleures conditions possibles.

21 décembre 2009

# mercredi 18 novembre "

La nuit a été éprouvante pour Monique. Elle a les traits tirés. Karine et moi partons chercher le médecin du dispensaire. Il promet de venir vite. Quand il finit par l'ausculter, il diagnostique très rapidement une fracture du col du fémur. Il faut la rapatrier. Ici au village, il n'y a plus de télécentre à cause des portables qui se multiplient et la poste ne permet pas d'appeler hors du pays. Avec son portable, Monique appelle l'assistance internationale. Malgré le médecin qui juge son état trop critique pour partir en pirogue et ambulance, il n'y aura pas d'hélicoptère.
Nous sommes fatiguées, tendues. Cependant il faut distribuer les fournitures dans les écoles, les médicaments au dispensaire, les habits aux femmes. Karine et moi nous chargerons des écoles puisque les crayons et stylos ont été fournis par son labo.
Nous rencontrons le directeur de l'école primaire et faisons avec lui le tour des classes et, à chaque fois, la pause photo avec l'instituteur et ses élèves. Nous lui remettons également du courrier puisqu'il y a un échange entre les enfants d'ici et ceux d'une école de mérignac.

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par la fenêtre d'une classe

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la cour de l'école jonchée de coquillages

A la recherche du médecin, nous avions déambulé dans le village. Le sol est jonché de coquillages coupants. Nous cherchions aussi la classe des touts petits, déplacée en raison des risques d'effondrement du toit. Les enfants sont relogés à l'étroit, pourtant, là aussi l'effectif ne sera au complet qu'après la tabaski.

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Malgré notre envie à toutes de quitter l'île aujourd'hui, il faudra attendre le lendemain. La marée est basse en journée et la nuit les routes ne sont pas sûres jusqu'à Dakar. La pirogue ambulance partira tôt demain matin.

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Karine questionne les femmes sur le séchage des yets et du poisson

Reste à occuper un après-midi entier. Je grignote du bout des lèvres quelques crevettes cuisinées par les femmes. Karine avale un bout de pain et nous décidons de rallier l'hôtel par la plage. C'est une promenade agréable. La plage est déserte, les coquillages jonchent le sol de sable gris. Notre progression fait reculer les crabes qui disparaissent devant nous dans leurs trous.

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A l'hôtel, nous nous installons au bar et sirotons un coca avec olives et arachides. Ce moment ensemble nous permet de décompresser, nous sommes plus sereines. L'air est doux au bord de l'eau. La clientèle de toubabs est clairsemée, certains sont encore à table, un jeune couple déambule main dans la main sur la plage. Nous nous sentons à dix mille lieux de ce tourisme aseptisé et pourtant nous irons voir le prix des chambres (exorbitant) dans le fol espoir de ne pas avoir à repasser une nuit dans le voisinage des talibés et leur marabout. Et puis ce matin nous avons regardé la couleur de l'eau tirée du puits la veille pour nous doucher et il nous a paru impossible de nous laver à nouveau avec... Heureusement, il y a des douches dans les toilettes du bar !
Retour par le même chemin et nous croisons des pêcheurs allongés sur le sable. Au milieu d'eux nous reconnaissons un des garçons qui a massé Monique la veille, il part pêcher au large avec des touristes. Nous lui annonçons l'état de la malade, il promet de repasser ce soir.

Au campement nous envoyons les filles faire la même balade que nous et prenons le relais auprès de Monique. Pendant que j'écris, Ousmane, le jeune garçon qui ne nous a pas quittées depuis hier (il dort même avec nous à cause des talibés), mange le reste des crevettes, installé comme un prince à la table dressée par les femmes et recouverte d'une nappe blanche immaculée.

Une dernière fois, Karine et moi longeons la plage jusqu'au village, accompagnées par Ousmane. Nous avons quelques questions à poser au docteur concernant le transport de Monique. Dans le soleil couchant, le village se dessine dans la fumée. Je questionne Ousmane. Ce sont les femmes qui, alignées, poussent avec leur petit balai de paille les détritus qui jonchent la plage. Les tas sont ensuite embrasés. Vision unique des robes colorées dans le pépiement des voix et les volutes.
Au dispensaire, le toubib s'apprêtait à venir visiter la malade. Sur le chemin qui nous ramène au campement, nous faisons une halte à la petite "usine" d'embouteillage de jus de ditax, bissap et citron. Les femmes sont en train de nettoyer les locaux mais nous pourrons les visiter pieds nus. Je regrette d'avoir laissé mon APN, un des murs en terre est travaillé artistiquement et les photos auraient été superbes. C'est Mamor qui est l'auteur du mur, un jeune homme très volontaire que nous avions croisé à Foundiougne et qui travaille maintenant avec voiliers sans frontière.

Je reviens sur les talibés, ces jeunes garçons orphelins ou laissés au marabout par leurs parents trop pauvres. Ils sont endoctrinés, formés à la mendicité puis dispersés dans les villes deux par deux. Leur violence est à la hauteur du manque de soin et d'affection dispensés pour leur "éducation". Le regroupement à Dionewar est récent, les campements de ce style se multiplient tout comme sont érigés vers le ciel, toujours plus nombreux, des minarets cerclés d'échafaudages.

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21 décembre 2009

# mardi 17 novembre #

Ce matin nous repartons pour Foundiougne en charrette. Nous emmenons Ami, une très jeune femme, petite protégée de Monique. Elle a eu un enfant, un petit garçon, mais elle n'est pas mariée et cette maternité précoce lui pose de gros problèmes pour se rendre régulièrement au collège. Fatou vient aussi avec nous car c'est aujourd'hui le Louma, le marché hebdomadaire. Nous retraversons le tan, cette étendue mi sable/mi sel qui nécrose la végétation entre foundiougne et les villages de brousse. A l'orée de la ville, les charrettes et les villageois se rejoignent vers le marché. Nous arrêtons notre équipage au milieu des autres et partons déambuler autour des étalages colorés. J'ai failli m'acheter une bague en argent mais je n'ai plus assez d'argent sur moi, je vais attendre d'être à Dakar pour retirer des espèces. J'ai photographié le local des verts que j'avais remarqué à l'aller. Cette case me semble tellement dérisoire au milieu de ce continent dévasté...

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Nous laissons Monique, toujours très affairée, pour aller nous désaltérer au campement où nous avions dormi ici. La jeune femme qui s'occupe de nous a mal à la tête et ne semble pas très bien réveillée. Mais elle tient entre ses doigt un trophée qu'elle vient d'acheter au marché : une perruque neuve au brushing parfait. Quand elle la coiffe entre ses doigts, ses yeux s'illuminent !
Nous retrouvons Pierre en train de peindre une scène de vie sur un des murs du bar.
Encore une fois nous chargeons les bagages pour les îles que nous avions laissé en garde ici et nous récupérons auprès des femmes la commande d'arachides grillées passée avant d'aller à M'bassi.

Nous déjeunons chez Bingo. C'est le prénom de la patronne. Elle s'appelle comme ça car elle a gagné le concours du plus beau bébé à sa naissance ! Le repas est vite pris, il faut encore courir acheter de l'eau et charger filles et bagages dans la pirogue qui va nous emmener à Dionewar à 5 heures d'ici. Dans la précipitation, nous avons failli oublier le portable de Monique laissé à recharger dans le restaurant. La marée n'attend pas !

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Nous devions embarquer dans la pirogue des femmes qui rentrent du marché mais elle est trop chargée et quand nous l'apercevons, nous sommes pris d'inquiétude pour les passagers qui s'entassent au  milieu des victuailles...

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Nous sommes au fil de l'eau depuis deux heures environ. Nous avons dépassé Djindar. Nous couperons à travers des bolongs plus étroits par Falla. Le huîtres essaiment sur les racines des palétuviers. Nous croisons une pirogue remplie de garçons petits et grands en pleine partie de pêche et de baignade. Le bateau s'échoue sur les hauts fonds. Les hommes descendent et remettent la pirogue dans le droit chemin. A bord, il y a un lutteur. Les filles chantent les louanges de ce jeune homme beau et fort ! Sur les rives sablonneuses nous apercevons des trous réguliers. Ce sont les nids des serpents. Des crabes courent sur la vase. Des oiseaux type martin-pêcheur noirs et blancs (martin-pêcheur pie) crient au passage du bateau. Quelques cocotiers bordent la rive. Nous débarquons enfin, pieds dans l'eau sous un ciel qui s'est couvert à mesure que nous progressions sur l'eau calme.
La traversée jusqu'au port des femmes commence. Karine, Monique et moi portons notre sac à dos, pensant que la charrette arrivera bien après nous. Las, elle arrivera juste après, nous avons sué pour rien. Nous croisons un groupe d'hommes qui s'entraînent au sport national, la lutte. Eux aussi transpirent...
Le campement n'est pas prêt. Il n'y a rien. Pas d'eau, pas d'électricité dans des locaux où tout est pourtant prévu pour. Les femmes enfin prévenues de notre arrivée installent matelas et cordes pour les moustiquaires, portent seaux d'eau et bougies. Les draps que Monique a portés pour le dispensaire nous serviront pour recouvrir les matelas. Nous allons nous doucher, dubitatives, alors que la nuit tombe.

Tout bascule en un instant. Monique chute dans l'obscurité et ne peut plus se relever. Avec les garçons qui ont aidé à installer le campement nous arrivons à la glisser sur une chaise. Elle souffre. Le médecin d'ici est indisponible à cette heure. Nous n'arriverons à avoir que du Nifluril et du paracétamol. Monique est allongée au prix d'une grande souffrance et passe la nuit ainsi. L'angoisse étreint le groupe. Nous nous couchons, il n'y a rien d'autre à faire pour le moment. Par la fenêtre calfeutrée avec mon paréo, j'aperçois la lueur des flammes du campement de talibés qui jouxte notre dortoir. Je m'endors en écoutant les chants psalmodiés en arabe et le bruit du ressac.

18 décembre 2009

# lundi 16 novembre #

Nuit courte. L'appel à la prière est un réveil assez violent. Au petit déjeuner, nous questionnons Moussa sur la religion islamique. Rien que pour M'bassi, il y a 3 mosquées, dont une payée par une grosse ONG islamiste. Il y a un imam par mosquée et le grand imam vient le vendredi après-midi pour prier aves les fidèles. Le coran est aujourd'hui intégré à l'enseignement général. Le haut-parleur qui nous a sorti de notre sommeil ce matin n'était pas installé au village il y a deux ans encore. La progression de l'islam est significative.

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Nous rendons visite au chef du village après avoir acheté de la cola à l'épicerie. Nous traversons le village, suivis par les enfants. Nous rencontrons des hommes affalés à l'ombre d'un manguier que Monique connaît. Parmi eux, celui qui a carrelé la table d'accouchement des femmes au dispensaire, opération orchestrée par Monique.
Chez le chef, elle s'acquitte de la taxe rurale pour l'année, soit 1000 FCFA. Nous ne resterons pas longtemps, la conversation tourne court puisqu'il ne parle pas français ou très peu. Ousmane nous sert néanmoins d'interprète mais à part les formules de politesse d'usage et les cadeaux échangés, nous n'avons pas grand-chose à nous dire... De retour au campement, nous passons devant l'école. La classe des petits est une case minuscule au toit de tôle, à la porte brinquebalante qui reste ouverte sur les 40 élèves du cours d'initiation. Ils seront le double après la tabaski, la rentrée étant retardée pour la plupart des enfants en raison de cette fête musulmane.

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Fatou a lavé notre linge. Elle a réussi à ôter des fibres la terre rouge des routes que nous nous sommes escrimées sans succès à frotter à l'eau et au savon. Pour le déjeuner, elle nous prépare un poulet yassa que nous mangerons chez Louisette. Les poulets viennent d'ailleurs de chez elle, tués le matin même avec l'aide de Monique. Je zappe le plumage des bêtes, m'étant éclipsée pour écrire et me reposer dans la case. Avec un léger sentiment de culpabilité, j'aide Monique à écraser les oignons et condiments dans le pilon de Fatou.
Nous revenons donc chez Louisette, de jour cette fois, après avoir dégusté un jus de ditax préparé par Monique. Le ditax est un fruit qui ressemble à un caillou, une boule de terre. A l'intérieur la chair est très verte, un peu comme le kiwi en plus pateux et acidulé. Pas très agréable à manger tel quel, on en fait une délicieuse boisson très vitaminée. Il faut pour cela les laisser mariner dans de l'eau puis les écraser, les mélanger à du sucre et les filtrer.

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Lamin et le bestiaire de Louisette

Louisette vit sur l'arche de Noé, au milieu des moutons, des chèvres, des chevaux, des poules aussi. Dans des enclos, nous apercevons des pintades et des dindons. Elle vend les boucs qui naissent chez elle, garde certaines biquettes et donne les autres aux femmes du village. Sa maison est assez grande avec une belle pièce de vie qui serait très agréable si elle était moins encombrée, mieux meublée. Mais c'est le cadet des soucis de cette femme qui vit en harmonie apparente au milieu de son petit monde. Elle est très bien intégrée dans le village, travaille avec les instituteurs dans les écoles et reçoit des invitations pour tous les baptêmes et autres fêtes de famille auxquelles elle ne va plus d'ailleurs, pour éviter d'avoir à en refuser certaines et froisser la susceptibilité des villageois.
Le repas est délicieux. Nous mangeons à l'ombre des arbres autour d'une table alors que Lamin et les ouvriers qui cimentent le mur d'enceinte de la maison s'installent parterre sur une natte.

Il est temps d'aller visiter la case de Monique dont j'entends parler depuis des années sans l'avoir encore vue, pas même en photo. Elle est ravissante, carrelée, avec une terrasse au toit de tôle. Une pièce centrale accueille le lit, de jolies malles peintes, des porte-manteaux en bambou. Deux petites pièces annexes encadrent la pièce principale, les toilettes et la cuisine. Il n'y a pas d'électricité et malheureusement, le puits est à sec. Elle doit refaire la toiture et cherche un moyen de louer des nuitées pour entretenir sa modeste propriété. La clôture est faite d'arbustes, des salanes, qui poussent en troncs serrés terminés par un feuillage en baleine de parapluie. Un beau manguier grossit devant la terrasse et à l'arrière pousse un anancandier.

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Ce soir, Karine et moi déclinons la nouvelle invitation à dîner de Louisette. Karine est barbouillée, je n'ai pas très faim. Nous grignotons dehors, à la lueur du néon de la cuisine du campement et à même la casserole, de coquillettes au carré maggi agrémentées d'une branche de thym cueillie dans le potager des femmes de bambou que nous avions visité en rentrant de la plage hier.

18 décembre 2009

# dimanche 15 novembre #

Ce matin, nous assistons à la messe. Pierre nous accompagne à l'église. Une odeur de thouraye envahit la nef. Les chants sont accompagnés par les tambours. Les femmes sont à gauche, les hommes à droite. A côté de nous, une jeune maman allaite son ravissant bébé qui s'endort, bercé par les chants. Une autre le rajuste dans son dos après la têtée, avec l'assurance d'une gestuelle répétée à longueur de journée. Les chants sont très rythmés, la messe dite en français et en sérère je pense. Foundiougne a une communauté catholique importante, la moitié de la population est chrétienne, l'autre musulmane.

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Pierre nous fait visiter son atelier. Il utilise pour le sablage 4 pigments naturels, le blanc du sable de la plage, le rouge des pistes, le beige des termitières, le noir des cultures brûlées. Avec ces 4 couleurs, il peut obtenir 32 nuances. Le sable est fixé avec de la sève de baobab mélangée à de l'eau.
En passant devant un baobab sur le chemin de l'église tout à l'heure, Pierre nous révèle les secrets de cet arbre majestueux. La sève sert de colle, les feuilles séchées et broyées sont mélangées à la graine de couscous pour faciliter la digestion, les fruits, ou pains de singe, donnent un jus qui soulage les maux de ventre, l'écorce est tressée par les anciens pour en faire des cordes.
Dans le marché couvert, Karine achète une coupelle en teck, j'ai trouvé un collier pour ma mère. La femme qui nous a vendu ces objets nous dit du teck qu'il n'est pas raciste, contrairement à l'homme. Parce qu'il a deux couleurs en lui : clair près de l'écorce, noir au coeur du bois.

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Départ en charrette pour MBassi. Nous traversons la brousse sous le soleil de midi,c'est devenue une habitude chez nous depuis le début du voyage de circuler en voiture ou à pied aux heures les plus chaudes... Mais le trajet est relativement court. Agréable sensation d'avancer dans le silence uniquement troublé par le trot du cheval.

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Le village est assez grand mais tout aussi pauvre et les épiceries sont mal achalandées. Nous sommes accueillis par une sono tonitruante, il y a un baptême quelquepart. Nous faisons la connaissance de Fatou qui s'occupe du campement villageois construit avec l'aide du jumelage de mérignac pour lequel Monique fait du bénévolat. Nous serons logées dans une case qui a appartenu à Monique avant qu'elle ne fasse construire celle qu'elle possède actuellement à la sortie du village.

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Pour l'heure, nous préparons un déjeuner frugal d'une boîte de macédoine+maïs assaisonné de jus de citron et carré maggi. Karine pique un fou-rire mémorable quand il s'agit de "touiller" l'énorme pot de pâte de cacao que nous transportons de campement en campement. La pâte brillante et liquide a fini par nous dégoûter...

Repos sous la moustiquaire puis Ousmane, notre charretier, nous emmène à Bambou. Nous traversons la brousse aux herbes hautes dans la chaleur caressante de la fin d'après-midi. Quand "laiti" le cheval s'arrête et que nous descendons sur la plage, un paysage féérique nous est donné à voir. Le bolong est de toute beauté, large, bordé de palétuviers. Un jeune homme en short blanc fait des exercices de musculation. 2 pirogues, l'une peinte, l'autre brute creusée dans un tronc sont posées sur la rive. Je me jette à l'eau aussiôt. La baignade est un délice. Le courant est fort, je nage la brasse et fait du surplace. Je me baigne un long moment, laissant au fil de l'eau la fatigue accumulée.

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Le retour se fait dans le jour finissant, et toujours cette impression de courir plus vite que le soleil pour ne pas se retrouver en rade au bord du chemin, cueillies par la nuit qui nous paralyse sans éclairage public et nous donne le sentiment de tanguer à chaque pas.
Et pour la première fois depuis les 2 nuits à Keur Massa sur la terrasse chez Djebel, nous avons un peu froid.

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Nous allons prendre l'apéritif chez Louisette, une française qui depuis sa retraite, il y a bientôt dix ans, vit à M'bassi. Nous avons traversé le village dans l'obscurité et la poussière pour rejoindre sa propriété ceinte d'un long mur de parpaings. L'apéritif est alcoolisé, pastis, gazelle, pineau, rhum. Je déguste une gazelle en grignotant des noix de cajou locales. Louisette vit ici avec son fils adoptif, Lamin, dans une maison confortable et spacieuse avec chevaux et chien. C'est tout ce que je vois des bêtes ce soir là, je decouvrirai le reste le lendemain à la lumière du jour. La conversation est menée par la fille de Louisette en vacances ici avec son mari qui n'avait encore jamais mis les pieds en Afrique. Leur arrivée sur le continent fut mémorable, ils ont passé leur première nuit à Foundiougne sous un porche après maintes péripéties qui les ont retardés depuis Dakar. Ils sont arrivés à la fin de leur séjour, comme en atteste le bronzage excessif des gens du nord passés au gril de l'Afrique. Louisette est une femme charmante, discrète, mais à la poigne de fer nécessaire pour faire tourner son petit univers.

Retour au campement ou nous cuisinons une omelette aux oignons que nous mangeons à même la poêle.

18 décembre 2009

# samedi 14 novembre #

Nuit presque blanche pour moi. Peu sommeil (trop de voiture la veille sans doute), les piqûres de moustiques m'ont démangé, beaucoup de bruit dehors aussi. Ce matin, avant le lever du soleil, le chant du mezzin était envoûtant dans mon demi-sommeil. Nous petit déjeunons au restaurant de l'hôtel, il est 7h du matin environ. Croissants mais le beurre est rance !! Dehors, nous retrouvons une équipe de journalistes blancs, clients de l'hôtel, qui ont l'air aussi peu reposés que nous...
Dernière ligne droite jusqu'à Kaolack où nous devons nous arrêter à nouveau à l'Alliance Française pour photographier différents travaux, masques et réalisations des enfants pendant les ateliers d'art plastique, en particulier des collages sur le thème de la ville et des enfants de la rue.

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Dans la bibliothèque de l'Alliance, Karine et moi feuilletons un album de Francis Picabia, petite parenthèse dada au milieu des rayonnages ventilés et des adhérents studieusement absorbés.

Monique parle de proposer une "librairie par terre" à Mérignac afin de récupérer de l'argent pour l'Alliance. Le principe, c'est une natte posée au sol et recouverte de livres à vendre à petit prix comme on pratique au Sénégal.

A Kaffrine, nous déjeunons d'un tiéboudien auquel Karine n'a pas touché, elle ne mange pas de poisson. Elle se rabattra sur des biskrems et du coca.
Devant le restaurant, des jeunes filles parent leur chevelure de rajouts synthétiques. En passant à côté de moi, l'une d'entre elles caressent mes cheveux si courts, m'invitant à changer de look... Le commerce de la perruque semble florissant ici. Combien croiserons nous de femmes affublées d'une chevelure plastique de poupée cheap !

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Nous récupérons les bagages de dons pour les îles. Djebel nous accompagne au bac qui traverse la baie jusqu'à Foundiougne. Sur la route, un 4x4 est renversé sur le côté. Le chauffeur est indemne. Il a certainement voulu attraper le bac de 15 h 30. C'est le médecin remplaçant de Foundiougne, nous apprendra plus tard Karim, un jeune homme venu en bus et qui a aidé avec les autres hommes et Djebel à redresser le véhicule. Un gros pot de pâte d'arachide répand son contenu sur le macadam. Le long de la route, des barrières délimitent un aéroport fantôme.
Nous retrouverons Karim plus tard à l'embarcadère. Entre-temps, est venu le moment de négocier le salaire de notre chauffeur. Il ne veut rien entendre des retards qu'ont occasionnées les petites pannes successives qu'il aurait dû anticiper, sa mauvaise foi écrite sur son front... Nous le quittons mi-figue, mi-raisin, sur une fausse note qui clôture bêtement la semaine passée avec lui. Il doit normalement nous conduire à l'aéroport le jour de notre départ, nous verrons bien... Il repart vers Kaffrine après avoir chargé au maximum son 4x4 de passagers : femmes, enfants, hommes qui s'entassent là où nous avons passé des heures ensemble.

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Karim négocie pour nous le prix d'une pirogue et d'une charrette jusqu'au campement. Cette opportunité nous permet à tous d'arriver à Foundiougne avant la nuit sans attendre le bac. Karim travaille dans l'hôtellerie à Saly, la ville touristique par excellence que nous contournerons toujours sans jamais chercher à nous y arrêter. Il porte des dreadlocks dissimulées sous un grand bonnet aux couleurs du sénégal et arbore un collier de prière en ébène énorme et magnifique sous un tee shirt gris délavé sur lequel ondule à la faveur de ses mouvements une pin up à moitié dénudée, publicité pour coca je crois me souvenir. Je suis fascinée par son collier que je vais m'évertuer à chercher dans les marchés sans succès jusqu'à la fin du séjour.

Bonheur de tremper mes mains jusqu'aux coudes dans l'eau salée qui me tend les bras depuis ma première rencontre avec elle au lac rose sans que je puisse, une fois de plus, y plonger.

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Monique nous met en garde contre les vendeurs d'artisanat d'art qui haranguent le client le long du port alors que nous rejoignons le campement de Tamara, le Baobab. La charrette nous suit avec les bagages.

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Nous sommes logées modestement mais avec tout le confort : douche+toilettes, ventilateur. Karine et moi essaierons d'aller nous baigner mais la plage n'est pas accueillante, méduses, coquillages coupants, boites de conserves, vase....
A côté du campement, il y a une propriété à l'abandon. Tout ici respire une splendeur passée. C'est l'ancien domaine de l'entraîneur des girondins de Bordeaux, Claude Bez, à la grande époque du club. Résidence hôtel, plage de sable fin, débarcadère où l'on imagine musique, lampions et champagne coulant à flot. Le paradis des VIP. Epoque révolue d'autant que la propriété aurait été vendue à un homme mort accidentellement. Fin de l'histoire...

Après la douche nous sommes allées acheter de l'eau et j'ai téléphoné aux enfants. Les marchands essaient de nous attirer dans leurs boutiques, sans succès.
Le dîner est servi au restaurant du campement : crevettes sautées puis poisson grillé, oignons en sauce et frites. Je n'ai malheureusement pas faim, et les filles non plus. Trop de route aujourd'hui, trop de fatigue. Karim est repassé nous saluer et nous faisons la connaissance de Pierre, artiste qui peint des sablés et pour qui Monique et Karine ont rempli une bouteille de terre rouge du pays bassari entre Ibel et Kédougou. Il a son atelier en ville.

18 décembre 2009

# vendredi 13 novembre #

Le matin, la rosée a humidifié les matelas sur lesquels nous étions installés la veille. Nous levons le camp. Lentement, nous quittons le pays bassari, cuvette au milieu de montagnes. Encore une fois les herbes hautes frôlent le véhicule nous obligeant à rouler fenêtres fermées. Nous laissons Jean-Pierre dans la brousse et embarquons son cousin jusqu'à Kédougou. Il va étudier au petit séminaire.
Retour à la ville et à la route. Nous souhaitons déjeuner à Mako et atteindre Tambacounda avant la nuit.

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Nous déjeunons sur la natte bleue achetée lors de notre premier passage à Kédougou. Avocats + pâtes à l'oseille + patates douces chaudes trouvées sur le marché le matin même lors d'un dernier arrêt à Kédougou pour nous ravitailler en eau et pain. Karine et moi n'avons malheureusement pas trouvé de petit brasero comme celui qui m'a tant plu à Eganga. J'ai acheté une gomme car celle qui était au bout de mon crayon n'a pas fait long feu... Nous sommes arrêtés tout près du fleuve mais le caractère entêté de notre chauffeur ne nous permet pas de lui faire stopper le véhicule à l'exact endroit qui nous convient, soit sur la rive ombragée. Nous sommes donc installés dans un endroit sinistre, un no man's land derrière la route. Le déjeuner n'en est que plus vite avalé et nous repartons sitôt le nescafé englouti. Pas d'arrêt jusqu'à Tambacounda. A nouveau la fraîcheur du fleuve, les singes au milieu de la route, les contrôles militaires pour la forme puis la ville se dessine, les vendeurs ambulants se multiplient, la chaleur augmente, la pollution voile le ciel, les ordures jonchent le sol.

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A Tamba, Karine et moi sommes installées dans le bar d'un hôtel au charme colonial gommé par les années et le manque d'argent. Nous avons siroté un coca pendant que Monique et les filles cherchent un autre endroit pour dormir. Monique trouve la nuitée trop chère ici. Cependant, après avoir tourné dans Tambacounda, nous ne trouverons rien de meilleur marché.
La clientèle est en majorité blanche. Sous les ventilateurs ronronnant, chacun s'affaire sur son ordinateur. Des jeunes gens sérieux, avalés par leur machine, savourant un retour à la civilisation qui leur fait cruellement défaut pendant les délestages.
Notre chambre double est simple mais agréable grace à l'éclairage indirect émanant d'une ampoule nue colorée en bleu. J'allume aussi une bougie blanche que je fixe au cendrier rectangulaire taillé dans une pièce de bois que nous avons maintenant l'habitude de trouver dans les campements. Les bougies ici se consument très vite. Chaleur ? mauvaise qualité de la cire ? un peu des deux sans doute.
Nous allons dîner en ville en enjambant les dizaines de crapaux qui longent les murs des bungalows.
Nous retrouvons Djebel que nous avions perdu de vue volontairement le temps de négocier nos chambres et de nous installer. Les rapports sont de plus en plus tendus avec lui. Il a trouvé sans problème un endroit pour dormir dans l'hôtel. Nous nous attablons autour d'une bonne portion de viande de mouton grillé dans la dibiterie la plus proche. Pour le dessert des Biskrems, biscuits industriels fourrés au chocolat dont Karine a envie depuis quelques jours. La dibiterie est le rendez-vous des hommes et les touristes n'ont pas l'air de s'y restaurer. Notre petit groupe de femmes à cet endroit doit paraître assez saugrenu surtout quand Djebel nous laisse pour aller prier et dormir.

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